RSA et réforme France Travail : sanctions, durcissement ou ajustement ?

Mar 31, 2025 | Actualités, freelancing

Depuis le 1er janvier 2025, la réforme France Travail est officiellement entrée en vigueur, redessinant en profondeur l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Au cœur de cette transformation, les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA) voient leur parcours d’insertion significativement modifié. Si l’objectif affiché est d’assurer un suivi plus efficace, la question des sanctions en cas de manquement aux obligations suscite des interrogations : assiste-t-on à un durcissement des règles ou à une approche plus nuancée ?

Une réforme structurante encore en construction

France Travail ambitionne de créer un guichet unique pour tous les demandeurs d’emploi, qu’ils soient indemnisés ou non, en regroupant Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi et les conseils départementaux. L’un des piliers de cette réforme est l’obligation pour les bénéficiaires du RSA désormais appelés BRSA de s’inscrire à France Travail et de signer un contrat d’engagement prévoyant un accompagnement personnalisé.

Toutefois, la mise en œuvre complète de la réforme repose encore sur la publication de plusieurs décrets d’application de la loi « plein-emploi » adoptée en décembre 2023. Parmi ces textes réglementaires attendus, celui définissant le nouveau barème des sanctions applicables en cas de manquement aux obligations contractuelles est particulièrement scruté.

Des sanctions clarifiées mais pas forcément plus strictes

Un document récemment révélé par la presse, transmis par le ministère du Travail aux conseils départementaux, détaille les premières orientations de ce barème. Le principe fondamental demeure inchangé : toute personne percevant le RSA doit s’engager dans un parcours d’insertion comprenant 15 heures d’activité hebdomadaire, sous peine de voir son allocation suspendue ou supprimée.

Cependant, les modalités de sanction évoluent :

  • En cas de premier manquement, une suspension partielle ou totale du RSA, allant de 30 % à 100 %, pourra être appliquée pour une durée d’un à deux mois. Jusqu’à présent, seule une suppression pouvant atteindre 80 % de l’allocation était prévue, sans seuil minimal.
  • En cas de récidive ou de persistance du manquement, la sanction pourra s’étendre sur une période de un à quatre mois, avec une suspension oscillant toujours entre 30 % et 100 %.

L’une des principales innovations réside dans le principe de « suspension remobilisation » : si le bénéficiaire régularise sa situation avant la fin de la période de suspension, les montants gelés pourront être rétroactivement versés, dans la limite de trois mois. Ce mécanisme préfère l’incitation à la sanction pure et simple.

Des garde-fous pour éviter des sanctions excessives

Afin de limiter les impacts trop brutaux de ces sanctions, plusieurs garde-fous ont été intégrés. La ponction maximale ne pourra excéder 50 % du montant du RSA pour les foyers composés de plusieurs personnes. En cas de suppression totale de l’allocation pendant quatre mois, cela entraînera une radiation de la liste des demandeurs d’emploi, sauf si la personne concernée se met en conformité avant l’échéance.

Par ailleurs, avant toute décision, une procédure contradictoire sera mise en place, laissant un délai de 10 à 30 jours aux bénéficiaires pour s’expliquer et, le cas échéant, régulariser leur situation. Ces mesures répondent aux critiques formulées par plusieurs instances, notamment le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui redoutent un durcissement précipité et contre-productif.

Une efficacité encore incertaine

Malgré la volonté affichée d’assurer un meilleur encadrement des sanctions, certains experts s’interrogent sur leur efficacité. Plusieurs professionnels du secteur estiment que les nouveaux seuils sont trop élevés : « Suspendre 10 % du RSA suffirait déjà à être dissuasif », affirme l’un d’eux. Selon lui, des sanctions plus légères mais appliquées de manière plus systématique seraient plus efficaces que des sanctions lourdes, souvent peu appliquées par crainte d’aggraver la précarité des bénéficiaires.

Un autre point de friction concerne les délais de régularisation, jugés trop courts pour permettre une réelle remobilisation des BRSA. Le risque est de sanctionner des personnes déjà en grande difficulté sans leur laisser le temps nécessaire pour s’adapter ou faire valoir leurs droits.

Un équilibre à trouver entre exigences et accompagnement

En 2023, 1,8 million de personnes ont perçu le RSA, pour un coût total de 11,6 milliards d’euros (source : CAF). La réforme cherche donc un double objectif : favoriser l’insertion professionnelle tout en optimisant la gestion des finances publiques. Reste à voir si ce nouvel équilibre entre obligation et soutien permettra une insertion durable des bénéficiaires dans l’emploi ou s’il engendrera de nouvelles difficultés sociales.