Le portage salarial, forme d’emploi hybride entre salariat et travail indépendant, connaît un essor notable dans de nombreux secteurs. Mais qu’en est-il de son utilisation dans les marchés publics ? Cette question soulève des interrogations juridiques et pratiques essentielles, tant pour les acheteurs publics que pour les professionnels concernés.
Qu’est-ce que le portage salarial ?
Le portage salarial repose sur une relation tripartite entre :
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Le salarié porté (un expert ou consultant indépendant),
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La société de portage, qui l’emploie et facture ses prestations,
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L’entreprise cliente, bénéficiaire de la prestation.
Cette solution permet à un professionnel autonome de bénéficier du statut de salarié tout en gardant son indépendance dans la recherche de missions.
Une situation ambivalente dans le cadre public
Dans les marchés publics, la législation impose des règles strictes en matière d’exécution, de responsabilité et de transparence. Or, le portage salarial complexifie la lecture du lien juridique entre les parties. En effet, l’administration contracte avec une société de portage, alors que le travail effectif est réalisé par le salarié porté.
Cette dissociation peut poser problème sur plusieurs plans :
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Respect du Code de la commande publique, notamment sur l’identité du titulaire et les conditions de sous-traitance.
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Contrôle effectif de l’exécution du marché, qui peut être perturbé si le véritable exécutant n’est pas clairement identifié ou déclaré.
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Encadrement du recours à des personnels externes, notamment dans les prestations intellectuelles.
Est-ce légalement autorisé ?
À ce jour, le portage salarial n’est pas formellement interdit dans les marchés publics, mais son usage est encadré et sujet à précaution. Deux situations se présentent :
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Marché passé directement avec une société de portage, qui se présente comme le titulaire du marché : c’est envisageable, à condition que le portage soit déclaré et conforme au droit du travail.
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Portage utilisé comme forme de sous-traitance ou d’intérim déguisé : cela peut être contestable si cela revient à contourner les règles d’encadrement des prestations.
Certains avis de la DAJ (Direction des Affaires Juridiques) du ministère de l’Économie recommandent une grande prudence, notamment pour éviter la requalification ou l’irrégularité du contrat.
Bonnes pratiques à adopter
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Vérifier la légalité du montage contractuel, en consultant un juriste spécialisé.
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Clarifier l’identité du personnel affecté, dès l’offre et dans le contrat.
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S’assurer que le recours au portage ne masque pas une mise à disposition illégale de personnel.
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Faire figurer les modalités de portage dans le DCE (dossier de consultation des entreprises) le cas échéant.
Conclusion
Le portage salarial peut s’intégrer dans les marchés publics, mais avec vigilance. L’administration doit veiller à la clarté du contrat, au respect des règles de la commande publique et à la transparence des intervenants. Pour les indépendants, cette solution reste séduisante, mais doit être maniée avec rigueur.