Aliko Dangote et la révolution pétrolière africaine

Fév 24, 2025 | Actualités, Réussite

Le milliardaire nigérian Aliko Dangote a bouleversé le secteur pétrolier de son pays en érigeant la plus grande raffinerie de pétrole d’Afrique. Ce projet colossal, fruit de plus d’une décennie de travail acharné, marque un tournant historique pour le Nigeria, qui dépendait jusque-là des importations de carburants. Si cette réalisation lui vaut admiration et fortune, elle s’accompagne aussi de controverses et de défis persistants.

 

Une ambition hors norme

 

« C’est un très, très grand soulagement », confie Aliko Dangote lors d’un entretien virtuel avec Forbes. Après 11 ans de travaux, 23 milliards de dollars investis et de nombreux obstacles, la raffinerie Dangote a officiellement démarré ses activités en 2024. Située sur un site de 2 509 hectares dans la zone franche de Lekki, près de Lagos, elle a traité environ 350 000 barils de brut par jour au second semestre 2024 et atteint 500 000 b/j en janvier 2025. À pleine capacité, prévue pour le mois prochain, elle produira 650 000 b/j, faisant d’elle la septième plus grande raffinerie mondiale et la première du continent africain.

 

Un projet aux retombées économiques majeures

 

L’impact de cette raffinerie sur le marché énergétique est déjà perceptible. Le Nigeria, longtemps premier importateur africain d’essence, voit ses importations chuter à leur plus bas niveau en huit ans. Grâce à la production locale, le pays exporte désormais du carburéacteur, du naphta et du mazout. Parallèlement, le complexe pétrochimique voisin produit trois millions de tonnes d’urée par an, faisant du Nigeria le leader africain de la fabrication d’engrais.

 

Pour Aliko Dangote, cette infrastructure s’inscrit dans une vision panafricaine : « Nous devons construire notre propre continent par nous-mêmes, sans compter sur les investissements étrangers. » Il déplore que l’Afrique ait été « un simple dépotoir de produits finis » et voit dans sa raffinerie un outil pour transformer cette réalité, générer des emplois et renforcer la souveraineté énergétique du continent.

 

Des défis structurels et des tensions avec la NNPC

 

Le chemin n’a pourtant pas été sans embûches. Dès le lancement du projet en 2013, les obstacles se sont multipliés : retards administratifs, pandémie de COVID-19, conditions marécageuses du site nécessitant d’importants travaux de dragage et de construction portuaire. La Nigerian National Petroleum Company (NNPC), partenaire initial détenant 20 % de parts, a réduit sa participation à 7 % en exigeant un remboursement partiel de ses investissements. S’ajoutent des tensions autour de l’approvisionnement en brut : bien que la NNPC ait promis 300 000 b/j, elle a manqué à ses engagements, poussant Dangote à engager des poursuites judiciaires en invoquant une loi obligeant les producteurs locaux à approvisionner les raffineries nationales.

 

Des retombées économiques mitigées pour la population

 

Malgré les ambitions affichées, les Nigérians ressentent peu les bénéfices du projet sur leur quotidien. L’inflation galopante (29 % en décembre 2024) et la suppression partielle des subventions sur les carburants ont entraîné une hausse de 60 % du prix du gaz. Ces mesures, initialement justifiées par les perspectives offertes par la raffinerie, ont provoqué des manifestations à Lagos et dans d’autres grandes villes du pays.

 

Un empire industriel bâti sur la persévérance

 

Aliko Dangote, né en 1958 à Kano dans une famille de commerçants, a manifesté très tôt un goût prononcé pour les affaires. À huit ans, il revendait déjà des confiseries dans la cour de récréation. Après des études de commerce à l’université Al-Azhar du Caire, il fonde une entreprise d’import-export avec un prêt familial de 500 000 dollars. Grâce à des relations politiques solides, il obtient des droits exclusifs d’importation sur des denrées stratégiques comme le sucre, le riz et le ciment, posant les bases d’un empire industriel.

 

Au fil des ans, Dangote diversifie ses activités et bénéficie des politiques nigérianes visant à promouvoir l’industrie locale. Son entreprise phare, Dangote Cement, affiche des marges bénéficiaires dépassant régulièrement 60 %. Aujourd’hui, sa fortune est estimée à 23,8 milliards de dollars, ce qui le place parmi les cent personnes les plus riches du monde.

 

Entre admiration et critiques

 

Si la population lui reproche parfois des hausses de prix des produits de base, beaucoup le considèrent comme un modèle de réussite et d’engagement pour le développement local. « Dans la plupart des régions du Nigeria, il est perçu comme un héros », affirme Zainab Usman, directrice du programme Afrique de la Fondation Carnegie.

 

Pour l’avenir, Dangote envisage de doubler la capacité de production de son usine d’engrais, de construire un gazoduc sous-marin reliant le delta du Niger à Lagos et de coter la raffinerie en bourse d’ici deux ans. Malgré les défis, le magnat reste fidèle à sa vision : « Les besoins des consommateurs nigérians ne feront que croître et s’étendre. Mon rôle est d’y répondre. »

 

Avec cette raffinerie, Aliko Dangote ne se contente pas de produire du pétrole raffiné : il redéfinit l’avenir énergétique de l’Afrique.