Les jeunes travailleurs sont de plus en plus nombreux à dénoncer la pression d’une disponibilité constante. Entre hyperconnectivité, surcharge et précarité, le « droit à la déconnexion » apparaît comme un enjeu urgent.
Une génération sous pression
Toujours connectés, les jeunes actifs ressentent une obligation implicite de performance, à toute heure du jour et de la nuit.
« L’omniprésence des technologies favorise l’hyperconnectivité et c’est l’un des principaux facteurs de stress chez les jeunes travailleurs », explique Nancy Beauregard, professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et cotitulaire de la chaire McConnell.
Le constat est préoccupant. Selon une étude de Force Jeunesse et de la chaire MYRIAGONE, plusieurs participants âgés de 18 à 35 ans demandent désormais une intervention du gouvernement, allant jusqu’à souhaiter une modification de la Loi sur les normes du travail pour encadrer clairement le droit à la déconnexion.
« Le stress n’est pas toujours imposé par l’employeur, précise Fred-William Mireault, président de Force Jeunesse. Mais il devient une norme implicite. »
Pour lui, un double effort est nécessaire : les jeunes doivent apprendre à poser leurs limites, tandis que les employeurs ont la responsabilité de les respecter et de les valoriser.
Le poids des relations de travail
La recherche s’est également penchée sur les rapports humains au travail.
« Une partie des jeunes a commencé sa carrière en pleine pandémie, donc en télétravail intégral, ce qui a profondément modifié leur vision des relations professionnelles », observe Nancy Beauregard.
Le besoin de contact reste essentiel, mais il s’exprime autrement. Comment, par exemple, obtenir des retours constructifs lorsqu’on débute un emploi à distance ? Cette question illustre une redéfinition des modes relationnels au travail.
À ces défis s’ajoutent la surcharge de tâches, l’insécurité financière et des conditions parfois difficiles, autant de facteurs amplifiant le stress ressenti par cette génération.
Une méthodologie originale : la photovoix
Pour exprimer leurs malaises, les participants n’ont pas rempli de questionnaires, mais soumis des photos dans le cadre d’une démarche de photovoix.
Parmi les 63 clichés reçus :
une boîte mail affichant 10 005 courriels non lus pour symboliser la surcharge ;
un téléphone à batterie épuisée pour illustrer la fatigue ;
un paysage hivernal représentant une ambiance glaciale au bureau.
« Ce qui m’a frappée, confie Nancy Beauregard, c’est la diversité des stresseurs, mais surtout la présence dominante de la technologie, souvent à l’origine du stress. »
Quelles solutions ?
Pour sortir de cette spirale, les jeunes interrogés suggèrent des actions impliquant aussi bien le gouvernement que les entreprises, les associations et le milieu éducatif.
Fred-William Mireault insiste : « Les gestionnaires doivent être conscients des réalités des jeunes : précarité, isolement, pression de performance, hyperconnectivité. »
Parmi les pistes proposées :
mettre en place des formations de sensibilisation pour les managers ;
favoriser le transfert de bonnes pratiques entre employeurs ;
offrir des horaires flexibles ;
définir clairement des balises de déconnexion numérique.
Enfin, pour sensibiliser le grand public, une exposition intitulée Tous seuls ensemble présentera à l’automne, à Montréal, l’ensemble des photos soumises.