Une série de nouvelles réglementations imposées par la Banque centrale de Tunisie (BCT) risque d’affaiblir la rentabilité des banques commerciales et de peser sur les rendements des investisseurs, selon une analyse de Fitch Ratings.
Des mesures contraignantes pour les banques
Parmi ces mesures, l’une des plus marquantes, introduite en août 2024, offre aux emprunteurs la possibilité de réduire de moitié leur taux d’intérêt pour la durée restante de leur prêt. Cette disposition s’applique aux crédits à taux fixe contractés entre janvier 2022 et septembre 2024, dès lors que les paiements d’intérêts ont dépassé 8 % du capital restant dû à fin septembre 2024. Les banques sont tenues d’accepter toutes les demandes conformes à ces critères.
En parallèle, une nouvelle réglementation en cours d’adoption obligera les établissements financiers à accorder des prêts sans intérêt équivalant à 8 % de leur bénéfice net de 2024 aux micro, petites et moyennes entreprises.
Selon Fitch Ratings, l’impact cumulé de ces deux mesures pourrait entraîner une baisse de 14 % du bénéfice net des dix plus grandes banques tunisiennes en 2025.
Un coût élevé pour le secteur bancaire
Les pertes potentielles pour ces dix banques sont estimées à 170 millions de dinars tunisiens (TND) (54,4 millions de dollars) en raison de la réduction des taux d’intérêt et à 50 millions TND pour les prêts sans intérêt. Cette pression financière s’inscrit dans un contexte déjà difficile, marqué par une croissance atone du crédit (+2 % sur les neuf premiers mois de 2024) et par des taux d’intérêt régulés par la Banque centrale.
Avec une rentabilité sous pression, les actionnaires pourraient également en faire les frais. Une circulaire publiée en janvier 2025 impose aux banques de limiter le versement de dividendes à 35 % des bénéfices de 2024. De plus, toute distribution aux actionnaires sera conditionnée au respect de niveaux de fonds propres supérieurs d’au moins 2,5 % aux exigences réglementaires actuelles.
Une réponse aux fragilités du secteur
Ces nouvelles directives visent à corriger certaines vulnérabilités structurelles du secteur bancaire tunisien. La réduction des taux d’intérêt pour certains emprunteurs a notamment pour objectif de limiter les risques liés aux paiements différés par chèque, une pratique courante en Tunisie qui complique la gestion des bilans bancaires.
Quant aux restrictions sur les dividendes, elles semblent préparer les établissements financiers à l’entrée en vigueur des normes comptables IFRS 9, qui exigeront une meilleure anticipation des risques de crédit.
Vers une redéfinition des stratégies bancaires
L’application de ces nouvelles règles ne se fait toutefois pas sans difficultés. Les banques invoquent des contraintes techniques et opérationnelles, allant de la mise à jour de leurs systèmes informatiques à la complexité des nouvelles procédures internes. Le coût total de ces ajustements devrait être étalé sur plusieurs années, limitant ainsi l’impact immédiat sur leurs résultats.
Néanmoins, ces changements réglementaires plus stricts et la pression croissante sur la rentabilité pourraient forcer les banques tunisiennes à réévaluer leurs priorités stratégiques dans les années à venir. Les résultats annuels des établissements cotés à la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT) fourniront des indications clés sur leur capacité à s’adapter à ce nouvel environnement.