Tickets-restaurant en supermarché : entre pouvoir d’achat et restauration

Nov 14, 2024 | Actualités, Réussite

Depuis 2022, les Français peuvent utiliser leurs tickets-restaurant pour acheter une grande variété de produits alimentaires en supermarché, une dérogation introduite pour atténuer l’impact de l’inflation. Bien que cette mesure devait initialement prendre fin au 31 décembre, le gouvernement envisage aujourd’hui de la prolonger, malgré la forte opposition du secteur de la restauration. Motivée par la volonté de préserver le pouvoir d’achat, cette décision a déclenché un vif débat entre les défenseurs de cette dérogation et ceux qui s’inquiètent de ses répercussions pour les restaurateurs.

Une mesure temporaire devenue essentielle pour les ménages

Initialement, la dérogation visait à permettre aux ménages de mieux gérer leurs dépenses alimentaires face à une inflation ayant culminé à 5,2 % en 2022. Avant cette réforme, les tickets-restaurant étaient limités aux produits prêts à consommer, comme les salades, sandwiches, ou fruits frais. La dérogation a ouvert la possibilité d’acheter presque tous les produits alimentaires, y compris ceux destinés à la préparation de repas familiaux, permettant ainsi aux ménages d’optimiser leur budget.

Cette évolution a été accompagnée d’un relèvement du plafond journalier d’utilisation des tickets-restaurant de 19 à 25 euros, renforçant leur impact sur le pouvoir d’achat des ménages. Dans les grandes villes, où le coût de la vie est élevé, cette mesure a rapidement gagné en popularité auprès des consommateurs, en particulier pour ceux en quête de solutions face à la pression inflationniste.

Un soulagement pour les consommateurs, une menace pour les restaurateurs

Si les consommateurs saluent largement cette mesure, la restauration voit ses revenus affectés. La part des tickets-restaurant utilisés en supermarché est passée de 22,4 % fin 2022 à 30,8 % au deuxième trimestre 2024, tandis que celle utilisée dans les restaurants a chuté de 46,5 % à 40 %. Les professionnels de la restauration, représentés par des organisations telles que l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) et le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (SNARR), craignent que cette tendance, si elle se prolonge, menace la survie de nombreux établissements, déjà fragilisés par la crise sanitaire et la hausse des coûts d’exploitation.

Les restaurateurs insistent sur le fait que la situation actuelle d’inflation ne justifie plus une telle dérogation et demandent au gouvernement de revenir à une utilisation plus restreinte des tickets-restaurant, pour protéger les établissements de restauration.

Le gouvernement à la recherche d’un compromis

Conscient des tensions, le gouvernement se dit favorable à la prolongation de la dérogation, mais s’engage aussi à écouter les revendications des restaurateurs. Laurence Garnier, secrétaire d’État à la consommation, a indiqué qu’une proposition de loi est en cours d’étude, avec pour objectif d’établir un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des professionnels de la restauration.

Une des solutions envisagées pourrait être l’instauration de plafonds différenciés : un montant d’utilisation quotidien plafonné à 15 euros en supermarché contre 25 euros en restaurant. Ce système, soutenu par le Groupement des hôtelleries et restaurants de France, vise à encourager l’usage des tickets-restaurant dans les établissements de restauration tout en maintenant une certaine flexibilité pour les consommateurs. Cependant, cette proposition pose des questions juridiques et nécessite un examen approfondi du Conseil d’État avant toute application.

Entre soutien au pouvoir d’achat et survie du secteur de la restauration

Ce débat révèle des divergences profondes entre les besoins des consommateurs et les enjeux économiques du secteur de la restauration. D’un côté, les Français apprécient cette flexibilité qui leur permet de mieux gérer leurs dépenses alimentaires en période d’inflation. De l’autre, les restaurateurs s’inquiètent de l’impact à long terme sur la fréquentation de leurs établissements si cette mesure temporaire devient définitive.

Face à ce dilemme, le gouvernement cherche une solution qui préserverait le pouvoir d’achat des ménages sans nuire à l’économie du secteur de la restauration. Un système de plafonds différenciés pourrait être une réponse viable pour concilier les intérêts de toutes les parties concernées. Reste à savoir si cette solution suffira à apaiser les tensions et à garantir une équité entre les acteurs, tout en maintenant un soutien essentiel pour le pouvoir d’achat des Français.