Seniors en entreprise : des attentes claires, une reconnaissance encore à construire

Alors que l’employabilité des seniors s’impose comme un enjeu majeur du débat public, le premier baromètre « Les salariés seniors et l’entreprise », publié par la Fondation Jean-Jaurès, la Macif, France Silver Eco et BVA Xsight, apporte un éclairage précieux sur les aspirations des actifs de plus de 50 ans. Cette enquête, inédite par son angle, met en lumière des préoccupations profondes : rémunération, conditions de travail, reconnaissance et équilibre vie pro-vie perso.

Rémunération et conditions de travail : des priorités assumées

Contrairement aux idées reçues, les priorités des salariés seniors ne diffèrent pas fondamentalement de celles des jeunes générations. La rémunération constitue leur première attente (37 %), un niveau comparable à celui des jeunes salariés (40 %). De même, la qualité des conditions de travail est jugée essentielle par 40 % des seniors, contre 33 % des plus jeunes.

Ces données révèlent une convergence intergénérationnelle autour de deux piliers du bien-être au travail. Les seniors ne cherchent pas seulement une fin de carrière sereine, mais souhaitent que leur contribution soit justement valorisée, à travers un cadre professionnel adapté et équitable.

Une vision exigeante du rôle de l’entreprise

Interrogés sur ce qu’ils attendent de l’entreprise, les salariés seniors expriment des attentes fortes : création d’emplois (50 %), épanouissement personnel (39 %) et utilité sociale (35 %). Des résultats qui font écho à ceux des plus jeunes, confirmant une vision partagée de l’entreprise comme acteur de transformation sociale, bien au-delà de sa seule fonction économique.

Les seniors revendiquent ainsi une carrière porteuse de sens, où leur expertise est reconnue et utile, tant pour la structure que pour la société dans son ensemble.

Une fidélité à l’épreuve de la transformation du monde du travail

Malgré un environnement perçu comme de plus en plus instable, 59 % des salariés seniors envisagent de rester dans leur entreprise jusqu’à la retraite. Mieux encore, 23 % souhaitent continuer à progresser et à se former, illustrant leur envie de rester actifs et engagés.

Pourtant, 76 % constatent un recul général de la fidélité à l’entreprise un constat encore plus marqué chez les cadres (89 %) et dans les grandes entreprises (83 %). Ce paradoxe souligne la nécessité, pour les organisations, de repenser leur politique RH afin de mieux accompagner et fidéliser ces talents expérimentés.

Une reconnaissance encore trop timide

Plus de la moitié des seniors (55 %) estiment ne pas être reconnus à leur juste valeur, et 51 % jugent que leur statut dans l’entreprise s’est dégradé. Des stéréotypes persistants continuent de peser sur eux : coût salarial supposé élevé (39 %), manque d’adaptabilité (33 %), ou difficulté à collaborer avec les jeunes générations (22 %).

Pourtant, les dirigeants nuancent ces perceptions : 72 % considèrent les seniors comme « faciles à encadrer ». Ce décalage entre l’image perçue et la réalité managériale souligne l’urgence d’un changement de regard et d’initiatives concrètes pour revaloriser ces profils.

Le défi silencieux des seniors-aidants

Un autre point crucial ressort de l’enquête : le rôle d’aidant, assumé par de nombreux seniors tout en travaillant. Près de 70 % souhaiteraient un aménagement du temps de travail pour mieux concilier leurs responsabilités, et 28 % aimeraient bénéficier d’un soutien financier. Pourtant, seuls 10 % déclarent connaître les dispositifs d’accompagnement existants.

Ce chiffre illustre à la fois un déficit d’information et un retard criant dans l’adaptation des politiques RH à cette réalité, qui affecte directement la qualité de vie des salariés concernés.

Préparer la retraite : un enjeu partagé

La perspective de la retraite suscite de fortes préoccupations, notamment financières (31 %). Pour 79 % des seniors, l’entreprise devrait jouer un rôle actif dans cette phase de transition, via des conseils, de l’accompagnement ou une meilleure sensibilisation. Le portage salarial, par exemple, offre une alternative attractive : il permet de prolonger une activité professionnelle autonome, tout en conservant les bénéfices du statut salarié. Une voie hybride qui sécurise cette période charnière, tout en valorisant l’expertise acquise.

Faire des seniors un atout stratégique

La reconnaissance des salariés seniors passe par des actes concrets : accès à la formation continue, adaptation des horaires, dispositifs de soutien pour les aidants, et surtout un regard neuf sur leur rôle dans l’entreprise.

Dans un contexte de transformation du monde du travail, intégrer pleinement ces collaborateurs expérimentés n’est pas seulement une question de justice sociale : c’est un levier d’innovation et de performance pour les entreprises.