Derrière les chiffres encourageants sur les rémunérations des cadres se cache une réalité complexe, marquée par l’impact de l’inflation et des inégalités persistantes. Le baromètre 2024 de l’Apec offre un éclairage sur cette situation paradoxale où gains apparents et pertes de pouvoir d’achat coexistent.
Une rémunération médiane en progression, mais un pouvoir d’achat en berne
En 2024, la rémunération annuelle brute médiane des cadres atteint 54 k€, affichant une hausse par rapport aux années précédentes. Cependant, cette progression est largement éclipsée par une inflation persistante (+5,2 % en 2022, +4,9 % en 2023), laissant 61 % des cadres percevoir une érosion de leur pouvoir d’achat. Ce paradoxe illustre les pressions économiques qui pèsent sur les ménages, même parmi les catégories les mieux rémunérées.
Des augmentations inégalement réparties
En 2024, 60 % des cadres ont bénéficié d’une augmentation salariale, une légère progression par rapport à 2023 (+1 point). Les jeunes cadres de moins de 30 ans (74 %) et ceux ayant changé de poste au sein de leur entreprise (77 %) sont les principaux bénéficiaires de cette dynamique.
Les fonctions études, ingénierie et R&D se distinguent par une augmentation moyenne de 14 %, confirmant la forte demande pour les métiers techniques et innovants.
Cependant, les écarts entre les sexes demeurent préoccupants. Bien que la tendance montre une réduction des inégalités, les hommes cadres gagnent encore en médiane 12 % de plus que leurs homologues féminines.
Les critères influençant la rémunération
Plusieurs facteurs structurent les niveaux de rémunération des cadres :
- Âge et expérience : Les cadres de 50 ans et plus perçoivent des salaires plus élevés, mais profitent moins souvent d’augmentations (48 %).
- Secteur d’activité : Les industries chimique (63 k€) et pharmaceutique (61 k€) offrent les salaires médians les plus élevés.
- Taille de l’entreprise : Les grandes entreprises se démarquent avec une médiane de 60 k€, contre 48 k€ dans les très petites entreprises.
- Localisation : L’Île-de-France conserve son statut de leader avec une médiane de 58 k€, tandis que l’Occitanie reste en retrait à 49 k€.
Satisfaction et préoccupations des cadres
Malgré un taux de satisfaction professionnelle globalement élevé (68 %), les cadres sont nombreux (61 %) à ressentir une détérioration de leur pouvoir d’achat depuis la crise sanitaire. Les jeunes cadres sont particulièrement critiques : seulement 57 % se déclarent satisfaits de leur rémunération, exprimant des attentes élevées concernant leur progression de carrière.
Bien que 67 % des cadres affichent de la confiance dans leur avenir professionnel, une majorité (56 %) estime que leurs perspectives d’évolution salariale restent limitées. Les préoccupations liées à l’inflation et aux tensions économiques continuent de peser lourdement sur leur moral.
La mobilité, levier de progression salariale
Changer de poste ou d’entreprise reste un moyen efficace pour obtenir des augmentations significatives. Les cadres ayant opté pour la mobilité interne (77 %) ou externe (66 %) ont vu leurs salaires progresser davantage, notamment dans des métiers à forte expertise technique.
Les secteurs et fonctions gagnants en 2024
Les métiers liés aux études, à l’ingénierie et à la R&D figurent parmi les mieux lotis en 2024, grâce à une forte demande et des augmentations notables. Les secteurs de la banque et de l’assurance continuent d’offrir des rémunérations attractives malgré un contexte économique tendu, tandis que l’industrie chimique confirme son rôle de moteur avec des perspectives salariales enviables.
Inégalités hommes-femmes : des progrès à consolider
L’écart de rémunération entre hommes et femmes, encore de 12 %, témoigne d’un chemin à parcourir pour atteindre l’équité salariale. Toutefois, la répartition des augmentations devient plus équitable, laissant entrevoir des avancées prometteuses pour les prochaines années.
Une équation salariale à réinventer
Si les chiffres montrent une progression des salaires, ils révèlent aussi les tensions générées par l’inflation et les disparités. Pour répondre à ces enjeux, les entreprises devront miser sur des politiques salariales plus justes et sur des initiatives favorisant la mobilité professionnelle. Ces leviers pourraient non seulement renforcer la satisfaction des cadres, mais aussi contribuer à préserver leur pouvoir d’achat face aux défis économiques à venir