Les banques centrales : un rôle surestimé dans l’économie ?

Alors que l’économie mondiale fait face à une croissance modérée et à une inflation persistante, de nombreux experts continuent de scruter les actions des banques centrales, espérant des baisses de taux pour relancer l’activité. Pourtant, les marchés financiers montrent que leur trajectoire ne dépend pas exclusivement des politiques monétaires.

 

Dans une chronique signée Ken Fisher, fondateur de Fisher Investments, l’idée selon laquelle les banques centrales dicteraient le destin des économies ou des marchés actions est remise en question.

 

Les limites de l’influence des banques centrales

Depuis juin 2023, les marchés financiers ont enregistré des hausses significatives malgré les relèvements successifs des taux directeurs par la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed). À titre d’exemple :

 

Les actions de la zone euro ont progressé de 49,7 % entre septembre 2022 et juin 2024, avant même la première baisse de taux de la BCE.

Aux États-Unis, le S&P 500 a bondi de 35,5 % avant que la Fed n’entame sa politique de détente monétaire.

Ces performances démontrent que d’autres facteurs, tels que la surabondance de liquidités dans le système bancaire ou la résilience des entreprises, jouent un rôle bien plus déterminant que les simples variations de taux directeurs.

 

Des orientations parfois contradictoires

Les banques centrales ne sont pas infaillibles. En 2022, Jerome Powell (Fed) et Christine Lagarde (BCE) ont tour à tour changé de cap, révisant leurs stratégies de hausse ou de baisse des taux en fonction de nouvelles données économiques. Cette imprévisibilité illustre la complexité de l’économie et les limites des prévisions à long terme.

 

De plus, certaines théories économiques sur lesquelles reposent leurs décisions, comme l’idée que les hausses de salaires alimentent l’inflation, sont aujourd’hui contestées. L’économiste Milton Friedman a démontré que ce sont les prix qui influencent les salaires, et non l’inverse. Les données récentes le confirment :

 

Aux États-Unis, malgré une augmentation annuelle des salaires de 4 % en octobre, l’inflation s’est stabilisée à 2,6 %.

En zone euro, les salaires ont progressé de 5,4 % au troisième trimestre 2024, tandis que l’inflation a ralenti pour atteindre l’objectif de 2 % fixé par la BCE.

Les marchés : une dynamique indépendante

Contrairement aux idées reçues, les baisses de taux ne garantissent pas une hausse des marchés. En témoigne la volatilité observée après les réductions de taux opérées par la BCE en 2024, ou encore le recul du S&P 500 le jour même d’une baisse significative des taux par la Fed.

 

D’ailleurs, si les taux bas étaient un facteur déterminant de la performance des actions, les marchés européens auraient surpassé ceux des États-Unis entre 2014 et 2019, période où la BCE avait maintenu ses taux en territoire négatif. Or, ce ne fut pas le cas.

 

Au-delà des taux : des perspectives globales

Les marchés financiers, mondialisés par nature, évaluent les performances des entreprises sur des horizons de 3 à 30 mois, intégrant des variables bien plus complexes que les seuls taux directeurs. Dans un climat marqué par une morosité économique généralisée en Europe, les attentes modestes pourraient être facilement dépassées, indépendamment des décisions de la BCE.

Plutôt que de se focaliser sur les discours et décisions des banques centrales, il est essentiel de reconnaître les multiples forces qui façonnent l’économie et les marchés financiers. La surévaluation de leur rôle pourrait conduire à des interprétations biaisées de la réalité économique. Les investisseurs et les décideurs gagneraient à adopter une vision plus globale, tenant compte des dynamiques structurelles, des innovations et des opportunités à long terme, au-delà des seuls mouvements des taux.