Avec la montée en puissance du freelancing en Afrique, de plus en plus de jeunes professionnels choisissent de devenir travailleurs indépendants, attirés par la flexibilité et l’opportunité d’accéder à des marchés internationaux. Cependant, ce secteur en pleine expansion se heurte à un obstacle de taille : la fiscalité. Le cadre fiscal entourant l’activité des freelances en Afrique reste flou, mal défini et souvent inadéquat, créant une zone d’incertitude aussi bien pour les freelances que pour les autorités fiscales.
1. Une activité difficile à encadrer
La première difficulté réside dans le caractère informel de nombreux freelances. En effet, en Afrique, une grande partie de l’économie est informelle, avec des millions de personnes travaillant sans statut légal officiel, ce qui inclut une grande proportion des freelances. Ces travailleurs ne sont souvent pas enregistrés auprès des autorités fiscales et échappent ainsi à l’imposition classique.
Les plateformes de freelancing telles que Upwork, Fiverr, et Freelancer facilitent l’accès à des clients internationaux, mais ne fournissent pas toujours des informations claires sur la gestion des impôts pour les indépendants africains. Ainsi, la nature transfrontalière des transactions freelance, souvent réalisées en devises étrangères, complique encore plus l’application des règles fiscales nationales.
2. La diversité des systèmes fiscaux en Afrique
L’Afrique est composée de 54 pays, chacun ayant ses propres lois fiscales. Cette diversité rend la situation complexe, car certains pays n’ont pas encore adapté leur cadre fiscal à l’économie numérique. Dans certains pays, comme le Kenya ou le Nigéria, des initiatives commencent à voir le jour pour taxer les revenus du freelancing et de l’économie numérique. Par exemple, le Nigeria a instauré en 2020 une taxe numérique qui concerne les entreprises étrangères fournissant des services numériques sur son territoire. Toutefois, les freelances locaux ne sont pas toujours clairs sur la manière dont ils doivent se conformer à ces lois.
Dans d’autres pays, comme le Ghana ou la Côte d’Ivoire, la fiscalité des freelances n’est pas encore clairement définie, laissant ces travailleurs dans une sorte de vide juridique. Ils sont souvent obligés de s’en remettre aux régimes fiscaux généraux, qui ne sont pas nécessairement adaptés à leur situation particulière.
3. La sous-déclaration des revenus et ses conséquences
En raison du manque de clarté et d’une méconnaissance des exigences fiscales, beaucoup de freelances en Afrique ne déclarent pas leurs revenus, soit parce qu’ils ne savent pas comment le faire, soit parce qu’ils estiment que l’impôt ne s’applique pas à eux. Cette sous-déclaration, ou même non-déclaration, expose ces travailleurs à des risques de sanctions à long terme.
Dans les pays où les régimes fiscaux commencent à se moderniser, les freelances risquent des amendes ou des pénalités s’ils ne se mettent pas en conformité avec la loi. Cependant, en l’absence d’un cadre fiscal adapté et d’une communication claire de la part des autorités, il reste difficile pour ces travailleurs de naviguer dans les méandres de la fiscalité.
4. Les freelances et la TVA
Un autre enjeu fiscal auquel les freelances africains doivent faire face est la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Dans plusieurs pays africains, les freelances sont théoriquement soumis à la TVA dès lors qu’ils vendent des services à d’autres entreprises ou à des clients locaux. Cependant, dans la pratique, peu de freelances sont conscients de cette obligation. De plus, la TVA devient un véritable casse-tête dans le cadre des transactions transfrontalières.
Dans certains cas, les freelances ne savent pas s’ils doivent facturer la TVA à des clients étrangers. Par ailleurs, lorsque ces transactions se déroulent via des plateformes internationales, les mécanismes de collecte de la TVA deviennent encore plus complexes, d’autant plus que ces plateformes n’assurent pas toujours un suivi fiscal clair.
5. Vers une meilleure régulation ?
Face à cette situation, des efforts sont en cours pour mieux encadrer la fiscalité des freelances en Afrique. Certains pays, comme le Rwanda, le Maroc ou l’Égypte, tentent d’adopter des politiques fiscales plus adaptées à l’économie numérique en croissance. Ces pays cherchent à simplifier les processus d’enregistrement et de déclaration fiscale pour encourager les freelances à entrer dans l’économie formelle.
De plus, certaines organisations professionnelles et associations de freelances militent pour une clarification des lois fiscales et pour une harmonisation des pratiques à travers le continent. Leur objectif est de faciliter la transition des freelances africains vers un cadre fiscal transparent et accessible, sans pour autant alourdir leur charge fiscale de manière disproportionnée.
La fiscalité des freelances en Afrique demeure un sujet complexe et encore largement inexploré. Le cadre fiscal actuel est souvent flou, voire inexistant dans certains pays, créant une incertitude tant pour les freelances que pour les autorités fiscales. Pourtant, une meilleure régulation de ce secteur, avec des lois fiscales adaptées, pourrait permettre non seulement de protéger les freelances, mais aussi de générer des revenus supplémentaires pour les États africains.
Pour que le freelancing continue à prospérer en Afrique, il est nécessaire que les gouvernements s’attaquent à ce défi en créant un cadre fiscal qui reflète la réalité de l’économie numérique et qui offre une sécurité juridique à ces travailleurs indépendants. Cela pourrait passer par des simplifications des processus fiscaux, une meilleure communication, et une modernisation des régimes d’imposition adaptés aux besoins spécifiques des freelances