À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) redéfinit les normes professionnelles, la notion de performance des salariés évolue. Autrefois mesurée par le volume d’heures travaillées ou des résultats purement quantitatifs, elle s’apprécie désormais à l’aune de l’impact global d’un employé sur son environnement de travail. Mais comment identifier la performance dans un contexte où l’IA prend en charge des tâches, y compris celles autrefois réservées aux experts ?
Une performance désormais centrée sur l’impact
Traditionnellement, la performance s’évaluait à travers des indicateurs tangibles : chiffre d’affaires généré, respect des délais ou volume de production. Or, cette approche montre aujourd’hui ses limites. Un commercial performant en termes de ventes peut, par exemple, nuire à la relation client par des méthodes agressives. À l’inverse, un employé sans résultats chiffrés spectaculaires peut être essentiel à la cohésion d’équipe ou à la diffusion de la culture d’entreprise.
Chloé Beauvallet, directrice générale d’Outsourcia, souligne que certains collaborateurs passent « sous le radar » des évaluations classiques alors qu’ils contribuent significativement au bien-être collectif. La performance s’étend donc désormais à des aspects plus subtils comme la capacité à inspirer, à fédérer et à renforcer la dynamique d’équipe.
Qu’attend-on aujourd’hui d’un salarié performant ?
Pour Jean-Charles Samuelian, PDG de la licorne Alan, la performance ne réside plus uniquement dans les résultats. Elle s’incarne chez ceux qui remettent en question les pratiques établies, acceptent l’échec comme source d’apprentissage et privilégient le travail d’équipe. Cette vision valorise la prise d’initiative et la réflexion sur son impact sur les autres.
Maud Bailly, directrice des marques MGallery, Sofitel et Emblems (groupe Accor), renchérit : un salarié performant est aussi un ambassadeur de l’entreprise, contribuant à son rayonnement de façon durable et authentique. Ce lien entre engagement individuel et performance collective illustre la montée en puissance de la culture d’entreprise comme critère d’évaluation.
Face à l’IA, la performance humaine sous pression
L’émergence de l’IA bouleverse les repères traditionnels. Désormais, la productivité d’un salarié est parfois comparée à celle des machines. En 2024, Mark Zuckerberg (Meta) a décidé de licencier 5 % de ses effectifs jugés « les moins performants ». Mais sur quels critères se fonde cette évaluation ? Pour François Véron, PDG du fonds Newfund, ces licenciements ne concernent pas uniquement des salariés incompétents, mais ceux dont les compétences sont devenues moins adaptées à un environnement où l’IA prend en charge une partie des tâches.
Cette mutation oblige les entreprises à redéfinir la performance non seulement par rapport aux pairs, mais aussi face aux capacités des outils numériques.
Vers un management plus humain et collectif
Face à ces changements, de nombreuses entreprises repensent leurs systèmes d’évaluation. Adobe, Microsoft ou encore Deloitte ont abandonné les approches strictement quantitatives au profit de modèles valorisant l’intelligence collective. L’idée n’est plus de sanctionner les « moins performants » mais de créer des environnements propices à la collaboration et à l’innovation.
Florence Tondu-Mélique, vice-présidente senior chez Visa, insiste sur l’importance de fixer des objectifs clairs qui intègrent à la fois le « quoi » (les résultats) et le « comment » (les moyens et la collaboration mobilisés pour les atteindre). Cette approche privilégie un équilibre entre performance individuelle et dynamique collective.
Quelles compétences humaines pour demain ?
Alors que l’IA exécute de plus en plus de tâches, la question de la formation des nouvelles générations se pose. Comment préparer les salariés à des métiers en constante mutation ? La réponse réside dans le développement de compétences difficilement automatisables, parmi lesquelles :
- Créativité et innovation : imaginer des solutions nouvelles et développer la pensée critique.
- Collaboration et intelligence émotionnelle : comprendre les dynamiques humaines et travailler efficacement en équipe.
- Agilité et apprentissage continu : s’adapter rapidement aux changements et acquérir de nouvelles expertises.
L’avenir du travail ne repose donc pas sur la compétition avec l’IA, mais sur la complémentarité entre intelligence humaine et artificielle.
Vers une nouvelle définition de l’excellence
La montée en puissance de l’IA transforme profondément la notion de salarié performant. Celle-ci ne se limite plus aux chiffres ou aux délais respectés. Elle inclut désormais l’impact humain, culturel et stratégique d’un employé. Cette mutation offre aux entreprises une occasion unique de revoir leurs critères d’évaluation et d’encourager l’intelligence collective, la créativité et l’innovation.
Loin d’être un obstacle, l’essor de l’IA peut devenir un levier pour valoriser des qualités spécifiquement humaines, essentielles à la construction d’un environnement de travail résilient et épanouissant. L’excellence de demain se mesurera autant par les résultats obtenus que par la manière dont ils sont atteints.