Publiée le 4 mars, l’étude du Conseil d’analyse économique (CAE) met en lumière plusieurs tendances préoccupantes sur le marché du travail en France : une diminution marquée du temps de travail des personnes peu qualifiées, une insertion difficile des jeunes et un taux d’emploi des seniors inférieur à celui des pays voisins. Décryptage.
Un effondrement du travail peu qualifié
Selon le CAE, le volume d’heures travaillées par les personnes peu qualifiées en France a chuté de 40 % en 30 ans. Contrairement à d’autres pays européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où ces emplois ont mieux résisté, la France semble particulièrement touchée par ce phénomène.
Quelles sont les causes de cette baisse ?
Les chercheurs peinent à identifier une cause unique. La désindustrialisation est souvent évoquée, mais elle n’explique pas à elle seule cette tendance. L’automatisation et la numérisation, le coût élevé du travail et la rigidité du marché de l’emploi sont également des facteurs à prendre en compte.
Un taux d’emploi inférieur à la moyenne européenne
L’étude souligne également que les Français travaillent globalement moins que leurs voisins. En moyenne, un Français travaille 100 heures de moins par an qu’un Allemand ou un Britannique, et 300 heures de moins qu’un Américain.
Cet écart ne s’explique pas par une réduction du temps de travail des salariés en poste, mais plutôt par un taux d’emploi plus faible, c’est-à-dire un nombre relativement réduit de personnes actives par rapport à la population en âge de travailler.
Une insertion difficile des jeunes sur le marché du travail
Autre constat marquant : la lenteur de l’intégration des jeunes dans l’emploi. Deux ans après la fin de leurs études secondaires, seuls 52 % des jeunes ayant arrêté leur scolarité à 18 ans occupent un emploi, contre 67 % en Allemagne et 82 % au Royaume-Uni.
Parmi les causes identifiées :
- Un système éducatif qui met peu l’accent sur l’alternance et les stages en entreprise.
- Un coût du travail élevé et des contraintes contractuelles qui freinent l’embauche des jeunes.
- Une forte corrélation entre emploi et diplôme, contrairement à d’autres pays où l’expérience et les compétences sont davantage valorisées.
Une participation limitée des seniors au marché du travail
Si le taux d’emploi des 55-59 ans en France a progressé et rejoint celui des pays anglo-saxons, la tranche des 60-64 ans reste largement en retrait par rapport à la moyenne européenne. Pourtant, plusieurs réformes ont été mises en place pour favoriser le maintien des seniors en activité, notamment la suppression des préretraites et le report progressif de l’âge de départ à la retraite.
Malgré ces mesures, des obstacles persistent :
- Les discriminations à l’embauche.
- Le manque de formation continue adaptée aux seniors.
Une stagnation de l’emploi féminin
L’étude met également en évidence un ralentissement de la progression du travail féminin. Longtemps moteur de l’augmentation du volume global d’heures travaillées, la participation des femmes au marché du travail semble désormais atteindre un plafond.
Parmi les principaux freins :
- L’impact de la maternité, qui pousse encore de nombreuses femmes à réduire ou interrompre leur activité.
- Un manque de politiques publiques favorisant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Selon Camille Landais, coauteur de l’étude, des mesures telles qu’une meilleure accessibilité aux crèches, un partage plus équitable des congés parentaux et un encouragement au temps partiel choisi pourraient contribuer à améliorer la situation.
Vers des réformes structurelles ?
L’étude du CAE met en lumière plusieurs fragilités du marché du travail français. Pour atteindre l’objectif du plein emploi, des réformes profondes semblent nécessaires, allant de l’amélioration de la formation initiale à un meilleur accompagnement des seniors. Reste à savoir si les pouvoirs publics sauront relever ces défis dans un contexte économique contraint.