CEMAC : dévaluation du FCFA sous pression ?

Les spéculations sur une éventuelle dévaluation du franc CFA en Afrique centrale s’intensifient, alors que les pays membres de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) font face à des pressions croissantes de la France et du Fonds Monétaire International (FMI). Parmi les enjeux figurent notamment le plan de restructuration de la dette publique gabonaise, une priorité pour le FMI, et le maintien de l’équilibre des réserves de change de la sous-région. Cette situation soulève des tensions entre la souveraineté économique régionale et les attentes des partenaires internationaux.

 

Une reprise économique difficile depuis 2017

Depuis le sommet de la CEMAC tenu à Yaoundé en 2017, des mesures strictes ont été préconisées pour stabiliser les économies des six États membres : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République Centrafricaine et Tchad. Toutefois, la mise en œuvre de ces réformes demeure inégale, accentuant les difficultés économiques et budgétaires.

 

Dans ce contexte, l’éventualité d’une dévaluation du franc CFA refait surface. Cette hypothèse, alimentée par la fragilité des réserves en devises, est soutenue par le FMI, qui plaide pour un assainissement des finances publiques. Selon l’institution, ces ajustements sont nécessaires pour renforcer la stabilité monétaire et prévenir une crise économique plus profonde.

 

La France face à un recul de son influence en Afrique

Pour la France, cette crise intervient à un moment où son influence en Afrique subit des revers majeurs. En Afrique de l’Ouest, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, désormais dirigés par des gouvernements militaires, ont abandonné le franc CFA, affaiblissant la position stratégique de Paris. Une dévaluation du FCFA en Afrique centrale pourrait exacerber ce recul et raviver les discussions sur la création d’une monnaie régionale indépendante.

 

Ce scénario serait un défi pour la France, qui verrait son rôle économique et monétaire dans la région se réduire davantage. Il pourrait également relancer les critiques sur la pertinence du franc CFA, perçu par certains comme un outil de dépendance économique.

 

Le Gabon : un acteur central dans la gestion de la crise

Le Gabon, souvent considéré comme le moteur économique de la CEMAC, joue un rôle clé dans ces discussions. Avec des avancées significatives en matière de gouvernance (1er de la sous-région selon l’indice Mo Ibrahim) et un indice de développement humain (IDH) de 0,693 en 2024, le pays a multiplié les réformes sous l’impulsion du président Brice Clotaire Oligui Nguema. Ces efforts visent à renforcer l’économie gabonaise face aux incertitudes monétaires et aux pressions internationales.

 

Le sommet de Yaoundé : des choix déterminants pour l’avenir

Le sommet extraordinaire de la CEMAC prévu le 18 décembre 2024 à Yaoundé pourrait marquer un tournant décisif. Selon plusieurs sources, les États membres envisageraient de rejeter les pressions extérieures et de privilégier des solutions internes pour préserver leur stabilité économique. Parmi les options discutées figure l’éventuelle création d’une monnaie propre à la CEMAC, à l’image des initiatives déjà amorcées en Afrique de l’Ouest.

 

Cependant, une dévaluation du FCFA aurait des conséquences importantes, notamment une baisse du pouvoir d’achat et une hausse du coût des importations, affectant directement les populations de la sous-région. À l’inverse, la création d’une nouvelle monnaie offrirait une opportunité de renforcer l’autonomie monétaire et de réduire la dépendance à l’égard de la France et du FMI. Néanmoins, ce projet impliquerait des défis importants, notamment en matière de coordination économique et de gestion des risques macroéconomiques.

 

Les discussions sur l’avenir du franc CFA en Afrique centrale révèlent des enjeux stratégiques majeurs pour la région et ses partenaires internationaux. Si la dévaluation reste une option sur la table, la recherche de solutions alternatives, telles que la création d’une monnaie régionale, pourrait redéfinir les relations économiques de la CEMAC avec le reste du monde. Les décisions prises lors du sommet de Yaoundé seront cruciales pour déterminer l’avenir monétaire et économique de la sous-région.