Accord de libre-échange UE-Mercosur : Enjeux, gagnants et perdants

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), dont la négociation s’est étalée sur 25 ans, suscite de nombreux débats. Sébastien Jean, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, ayant participé à l’évaluation de cet accord pour le gouvernement français, souligne que ses bénéfices seraient principalement concentrés sur certains pays européens, notamment l’Allemagne et la péninsule Ibérique.

 

Un accord singulier dans le paysage commercial

Contrairement aux accords traditionnels de l’UE axés sur les relations postcoloniales ou de voisinage, celui-ci vise à renforcer les échanges avec des partenaires éloignés. L’objectif est de tirer parti des avantages comparatifs dans des secteurs spécifiques, en dépit des défis géopolitiques et économiques actuels : guerre en Ukraine, crise énergétique, révolution industrielle verte, concurrence chinoise, et tensions commerciales avec les États-Unis.

 

Pour l’UE, ce partenariat représente une opportunité de se positionner face à la domination croissante de la Chine en Amérique latine, bien que des divergences politiques puissent limiter l’influence européenne.

 

Bénéfices économiques et secteurs menacés

L’industrie européenne, notamment l’automobile, la chimie et les machines, serait la grande bénéficiaire. Les marchés publics du Mercosur, traditionnellement fermés, s’ouvriraient également aux prestataires européens. Toutefois, cet avantage ne serait pas uniformément réparti : les constructeurs automobiles français, par exemple, produisent déjà localement et ne profiteraient pas autant de cet accord.

 

En revanche, certains secteurs agricoles européens, comme le sucre, la volaille et le bœuf, pourraient souffrir. La concurrence avec les producteurs sud-américains, soumis à des réglementations moins strictes, suscite une vive inquiétude parmi les agriculteurs, notamment en France, en Irlande et en Pologne.

 

Enjeux environnementaux et sociaux

L’impact environnemental de cet accord soulève des questions cruciales. Bien que des clauses sur la déforestation aient été intégrées, leur mise en œuvre reste incertaine. La récente décision de reporter la réglementation européenne contre la déforestation est perçue comme un signal contradictoire.

 

L’accord met également en lumière un dilemme pour l’UE : maintenir des normes sociales et environnementales élevées tout en conservant sa compétitivité économique. Ce fragile équilibre est d’autant plus important que l’Europe dépend de ses exportations pour financer ses importations énergétiques et de matières premières.

 

Une opportunité stratégique à double tranchant

Si l’accord pourrait renforcer la présence économique de l’UE en Amérique latine, il n’est pas exempt de risques. Les tensions entre secteurs bénéficiaires et perdants, ainsi que les enjeux environnementaux, rappellent que le commerce international nécessite des règles plus structurantes.

 

L’avenir de cet accord dépendra de sa mise en œuvre et de sa capacité à équilibrer les ambitions économiques, sociales et écologiques de l’Europe.