Loi Rixain : une parité qui tarde

Promulguée en 2021, la loi Rixain impose aux grandes entreprises françaises d’atteindre des seuils minimaux de féminisation au sein de leurs instances dirigeantes. D’ici 2026, celles-ci devront compter au moins 30 % de femmes dans leurs comités exécutifs (comex) et comités de direction (codir), un taux qui passera à 40 % en 2030. Pourtant, à un an de la première échéance, le constat est alarmant : selon une étude du Boston Consulting Group (BCG) et de SISTA publiée en décembre 2024, seules 47 % des entreprises du SBF120 et une entreprise du CAC 40 sur deux ont atteint cet objectif.

Une féminisation encore trop lente

Si la présence des femmes dans les comex progresse, elle demeure insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par la loi Rixain. En 2024, elles représentent :

  • 28 % des membres des comex du CAC 40 (+5 points depuis 2021).
  • 26,7 % des membres des comex du SBF120 (+2 points depuis 2021).

Toutefois, ces chiffres doivent être relativisés. Certaines entreprises ont choisi d’élargir la taille de leurs comex (+1,8 membre en moyenne pour le CAC 40, +2,7 pour le SBF120) sans pour autant promouvoir davantage de femmes à des postes stratégiques. Une stratégie qui gonfle artificiellement les chiffres sans garantir un accès réel aux postes clés.

De fortes disparités sectorielles

La féminisation des instances dirigeantes varie fortement selon les secteurs :

  • Industrie automobile : 15 % de femmes dans les comex.
  • Secteur industriel et technologique : 21 %.
  • Énergie : 23 %.
  • Mode et luxe : 31 %.
  • Immobilier : 39 %.

Les secteurs historiquement masculins, comme l’industrie et la technologie, restent les plus réfractaires à l’évolution, peinant à briser le « plafond de verre ».

Le double plafond de verre : un frein persistant

Plus un poste est stratégique, moins les femmes y sont présentes. Dans certains secteurs (beautié, luxe, médias, divertissement), elles constituent 49 % des effectifs, mais seulement 33 % des postes de direction.

Un autre obstacle majeur réside dans l’accès aux postes considérés comme des tremplins vers la direction générale. Les directions régionales, des opérations et financières ne comptent que 20 % de femmes, alors que la moitié des directeurs généraux du SBF120 ont occupé ces postes avant leur nomination.

En revanche, les femmes restent surreprésentées dans les fonctions support :

  • 69 % des directeurs marketing sont des femmes.
  • 62 % des DRH (Directeurs des ressources humaines) sont des femmes.
  • 78 % des directeurs RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) sont des femmes.

Cette concentration dans des fonctions moins stratégiques limite leur accession aux postes de direction générale, freinant ainsi le processus de féminisation aux plus hauts niveaux.

Quelles solutions pour accélérer la parité dans les comex ?

Face à ces constats, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour favoriser un leadership plus mixte.

1. Encourager l’accès aux postes « tremplins »

Il est essentiel de promouvoir davantage de femmes dans les directions financière, opérationnelle et régionale, qui constituent des passages clés vers la direction générale. Des programmes de formation, de mentorat et de sponsoring doivent être déployés pour accompagner cette transition.

2. Fixer des objectifs clairs et contraignants

Au-delà des quotas imposés par la loi Rixain, les entreprises doivent définir des plans d’action concrets avec des indicateurs de suivi et des sanctions en cas de non-respect des engagements.

3. Transformer la culture d’entreprise

Les stéréotypes de genre restent un frein majeur. Une sensibilisation accrue des dirigeants et managers à l’importance de la mixité doit être mise en place pour ancrer durablement la diversité dans les comités exécutifs.

4. Favoriser l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle

De nombreuses femmes renoncent aux postes de direction en raison de contraintes familiales. Pour pallier cet obstacle, des solutions comme le télétravail, des congés parentaux plus équitables et une flexibilité horaire doivent être encouragées.

5. Mettre en avant des rôles modèles

Le manque de figures féminines inspirantes dans les instances dirigeantes freine les ambitions des générations futures. Valoriser les parcours de dirigeantes influentes peut inciter davantage de femmes à viser des postes à haute responsabilité.

Une urgence pour l’échéance de 2026

Malgré des avancées, la lenteur de la féminisation des comités de direction en France reste préoccupante. La loi Rixain a posé un cadre, mais les résistances structurelles et culturelles freinent encore une transformation rapide.

Les entreprises doivent aller au-delà des obligations légales et adopter des stratégies ambitieuses pour accélérer l’intégration des femmes aux postes clés. Il ne s’agit pas seulement d’une question de justice sociale, mais d’un enjeu de performance et d’innovation. Une gouvernance plus équilibrée renforce l’efficacité des entreprises et leur capacité à relever les défis contemporains.

L’échéance de 2026 approche à grands pas. Il est urgent d’intensifier les efforts pour que la parité ne soit plus un objectif distant, mais une réalité durable.