Trente ans après le génocide de 1994, le Rwanda est souvent perçu comme un modèle de stabilité et de prospérité en Afrique. La reconstruction rapide du pays, ses progrès sociaux et économiques, ainsi que son attractivité croissante pour les investissements étrangers sont fréquemment loués par la communauté internationale. Mais une étude récente, intitulée Le pari rwandais , dirigée par la Fondation Jean Jaurès et dirigée par Serge Dupuis, chercheur spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs, apporte un éclairage plus complexe sur ce succès.
Une croissance impressionnante mais inégalement partagée
La croissance économique du Rwanda est indéniable. Depuis deux décennies, le pays a affiché des taux de croissance élevés, renforçant son image de succès en matière de développement. Cependant, Serge Dupuis souligne que cette croissance n’est pas toujours équitablement répartie. La majorité des richesses se concentre dans les zones urbaines, en particulier dans la capitale, Kigali, où se manifestent les symboles les plus visibles de la modernité rwandaise. Cette prospérité, bien que tangible, masque une réalité différente dans les régions rurales, où la pauvreté persiste et où les infrastructures peinent encore à se développer.
Dépendance économique et vulnérabilités
L’étude de la Fondation Jean Jaurès met également en avant la dépendance du Rwanda vis-à-vis de l’aide internationale et des investissements étrangers. Bien que ces financements permettent au pays de se développer rapidement, cette dépendance expose l’économie rwandaise aux risques de fluctuations économiques mondiales et aux changements de politique des bailleurs de fonds. Selon Dupuis, cette situation pourrait fragiliser les acquis de la croissance rwandaise en cas de baisse des aides ou de crise économique mondiale.
Gouvernance et autoritarisme : une stabilité relative
Le Rwanda est reconnu pour sa sécurité et son ordre public rigoureux, deux éléments qui ont contribué à sa réputation de « success story ». Mais Dupuis souligne également les limites de cette gouvernance : le contrôle centralisé de l’État, la restriction des libertés d’expression et la surveillance de la société civile. Cette gouvernance autoritaire, bien que souvent présentée comme un gage de stabilité, pourrait avoir des effets limitants à long terme, freinant l’émergence d’une démocratie pluraliste et l’auto-détermination des citoyens.
En quête d’un modèle de développement durable
L’étude Le pari rwandais invite à réfléchir sur la durabilité du modèle de développement rwandais. Si les progrès réalisés sont indéniables, Dupuis appelle à une évaluation plus équilibrée, tenant compte des défis à long terme pour le pays. Les transformations visibles à Kigali et dans d’autres villes ne doivent pas faire oublier les défis sociaux, économiques et politiques qui subsistent.
En définitive, cette étude de Serge Dupuis propose un regard plus nuancé sur le Rwanda d’aujourd’hui, et suggère que le pays doit relever de nouveaux défis pour asseoir une prospérité durable et inclusive. Bien que le pari rwandais ait jusqu’ici montré des résultats impressionnants, il demeure un projet en constante évolution, nécessitant une attention renouvelée aux dynamiques internes et aux conditions qui permettront un développement pérenne.